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August 20, 2007
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Le diki d'Eve
Bio Ethique Compte Rendu

Éthique des sciences : régulation ou éducation ?

A l’heure où les sciences se développent par le biais d’Internet, leur contrôle est impossible. L’exemple du clonage humain montre combien une réflexion sur l’éthique est nécessaire. Faut-il mettre en place une régulation internationale ? L’éducation et l’information sont-elles une solution ?

Animé par Valérie- Ève Moreau, La Voix du Net
Avec Benoît Arveiler, Professeur, Université de Bordeaux 2 ; Bernard Benhamou, Chargé de mission Internet, École, Famille, Ministère délégué à l’Enseignement Scolaire ; Caroline Julien, Présidente, Creo Inc ; Gérard Manrique, Business area leader Life Sciences, IBM France.

Deux grandes questions ont été soulevées lors de ce débat :
la question de la vulgarisation des sciences d’une part, et les inquiétudes liées à l’éthique des sciences d’autre part. Faut-il légiférer ? Faut-il faire au cas par cas ?

C. Julien a commencé par le problème de la vulgarisation et de l’éducation. « C’est le rôle du communiquant scientifique », souligne-t-elle. Les nombreux dérapages dans les débats de société nous montrent bien que ces communicants ont un rôle à jouer pour le développement scientifique, le public ayant le droit de manifester son opinion. En Angleterre, illustre C. Julien, 53% des citoyens veulent prendre part au débat, veulent avoir une influence sur la recherche scientifique. Seulement le débat scientifique devient de plus en plus complexe (les enjeux et les subtilités sont nombreux) et ils n’ont pas toujours les moyens d’y participer. « C’est là qu’interviennent les communicants scientifiques ». Leur rôle est multiple : mettre en évidence les enjeux, vulgariser la recherche, développer les intérêts pour la science, mettre sur un pied d’égalité des avis divergents. « La communication scientifique est importante car une grande partie du public est exclue des sciences », continue-t-elle. Les médias peuvent permettre de mieux comprendre le débat, impliquer les citoyens, contribuer au développement scientifique. Pour B. Arveiler, la vulgarisation « commence par l’éducation des professionnels de la science ». Il faut élever le niveau de conscience des acteurs de la science pour qu’ils comprennent les enjeux éthiques, économiques… et leurs conséquences. Il faut d’autre part éduquer les sociologues, les philosophes à ces questions, à ce que sont les sciences du vivant. Enfin, il faut éduquer le grand public, qui désire savoir mais n’a pas toujours les clés pour comprendre. « Il faut vulgariser mais ne pas être trop simpliste », insiste B. Arveiler. En effet, les attentes en matière de solutions (pour la médecine notamment) en sont amplifiées, tout comme les craintes. L’éducation concerne donc tous les acteurs. B. Benhamou confirme : « les implications éthiques devront apparaître de plus en plus clairement à l’ensemble des citoyens ». C’est non seulement la science qu’il faut vulgariser, mais aussi l’éthique des sciences.

Dans le public, on s’interroge sur les causes de la grande pauvreté de cette vulgarisation en France. L’accent est mis sur les chercheurs : « ils la considèrent comme une perte de temps ». C. Julien donne des éléments de réponse. Selon une enquête menée en Angleterre, « les sujets avec lesquels la population est la plus familiarisée sont ceux qui ont été les plus couverts par les médias ». C’est un encouragement. Comment poursuivre ces débuts ? En créant des réseaux comme « Sciences pour tous », en militant auprès des instances gouvernementales, en formant les journalistes (très peu de quotidiens ont un spécialiste scientifique) et en éduquant les enseignants en science... Des dialogues s’établissent, il faut continuer dans ce sens. B. Arveiler continue en apportant d’autres réponses. Les chercheurs ne sont pas impliqués dans ce domaine, en effet. Ils pensent que ce n’est pas leur rôle, et souvent ils n’ont pas le temps de s’en occuper. « La communication scientifique peut devenir un des axes des universités, et je pense qu’il va le devenir. » Il faut inciter les jeunes à s’intéresser en créant des modules d’enseignement, en développant les relations entre universités de science et communication, en menant des actions dans les lycées…

Autre question dans le public : est-ce que le Palais de la Découverte ou la Cité des Sciences ont un impact ? V.E. Moreau répond en remarquant que dans ces cas-là, c’est le public qui se déplace. Il faut pourtant aller au-devant des citoyens. M. Benhamou confirme : « transmettre l’information scientifique est un métier à part entière ».

L’autre question soulevée par ce débat est celle des inquiétudes liées aux avancées scientifiques, à l’éthique elle-même, et donc à la régulation des sciences.

« Quand on parle régulation, on pense législation », commence B. Arveiler. Dans le domaine de la génétique, les problèmes d’éthique sont nombreux et cruciaux. On s’intéresse en effet à l’identité humaine, à la nature même de l’homme. Il est donc nécessaire de fixer des règles, des limites : qu’est-ce qui est acceptable, qu’est-ce qui ne l’est pas ? Ainsi sont nées les lois bioéthiques, au niveau national, qui devraient s’étendre au niveau international. Les questions ne sont pas proprement philosophiques. Mais il faut légiférer sur les axes des recherches, leurs conséquences, leurs utilisations. Autorise-t-on le clonage ? Non. Autorise-t-on le clonage thérapeutique ? Non. Autorise-t-on la recherche embryonnaire ? Oui, a priori. Les axes de recherche sont des réalités. Mais concernant les pratiques, la législation est assez stricte. Un autre débat est évoqué : celui de la brevetabilité du vivant. C’est le problème de l’intrusion de l’économie dans la science. Les enjeux et les masses financières impliqués sont importants. « Il est inacceptable qu’une société ait le monopole d’un diagnostic », insiste-t-il.

Le rôle des éthiciens est évoqué dans le public. C. Julien répond que les communicants scientifiques travaillent de conserve avec les éthiciens et les scientifiques. Est-ce qu’il y a un risque d’aller trop loin et de devoir revenir en arrière ? « On n’en est pas là », répond B. Arveiler. La question du clonage humain vient à l’esprit. « Le clonage humain est théoriquement envisageable, note G. Manrique, mais ce n’est pas pour demain. » La nature a fait en sorte que deux personnes ne puissent jamais avoir le même patrimoine génétique. En faisant des recherches sur le clonage, nous allons contre-nature. Or il faut avoir cette sagesse à l’esprit : si la nature l’a rendu impossible,il y a peut-être une raison. B. Arveiler va dans le même sens. « Un être humain ne peut pas être prédéterminé ». Or avec le clonage, certains s’arrogent le droit de prédéterminer l’homme.

D’autres questions ont été évoquées, comme le diagnostique prénatal ou pré-implantatoire, le bébé médicament, l’eugénisme… auxquelles les intervenants n’ont pu répondre que partiellement tellement ces débats sont complexes et par manque de temps. Il ressort de ce débat un vive intérêt de la part du public et confirme les questionnements que suscitent ces recherches. à suivre..

compte rendu Marianne Wroblewski